CAMEROUN / ANALYSE JURIDIQUES DE Me MBALLA FABRICE SUR LA DERNIERE SORTIE DE LA CAF SUR ETO’O

Le 9 août 2023, un communiqué de la Confédération Africaine de Football a officiellement révélé que les instances de la CAF ont été saisies par plusieurs acteurs du football camerounais par le biais de déclarations écrites, pour examiner et enquêter sur certains comportements répréhensibles présumés de M. Samuel Etoo en sa qualité de Président de la Fédération Camerounaise de Football (FECAFOOT).

À première vue, ledit communiqué évite soigneusement de mentionner l’infraction spécifique contenue dans la correspondance dans laquelle les différents acteurs du football camerounais soulèvent des questions concernant la gouvernance de l’actuel président de la Fecafoot.

Par conséquent, on est tenté de se demander quel est le locus standi de ces soi-disant parties prenantes. En d’autres termes, quel instrument leur donne la capacité juridique d’introduire cette plainte auprès de la CAF contre le Président de la FECAFOOT ?

Quoi qu’il en soit, dans sa communication, la CAF déclare expressément qu’elle va examiner ces demandes sur la base et conformément à ses statuts et règlements.

Cependant, il peut être intéressant de noter que les statuts et règlements de la CAF datant de mars 2021 ne mentionnent pas spécifiquement ou n’abordent en aucune manière la notion de partie prenante.

Nonobstant, l’un des principaux objectifs de la CAF, comme l’indique clairement l’article 2 de ses Statuts et Règlements, est de gérer toutes les formes de football en adoptant et en mettant en œuvre les mesures nécessaires ou appropriées pour prévenir toute infraction aux Statuts, Règlements et Règlements ainsi qu’à toute décision ou directive de la FIFA. Il précise en outre que la CAF est tenue de se conformer en tout temps et sans réserve aux principes de bonne gouvernance, d’intégrité et d’esprit sportif, ainsi qu’aux Statuts, règlements, décisions et directives de la FIFA.

Par conséquent, ce qui manque dans les Statuts et Règlements de la CAF pourrait être trouvé dans les Statuts et Règlements de la FIFA, et cela deviendra automatiquement applicable dans le contexte de la CAF.

Dans cette optique, les Statuts et le Règlement de la FIFA définissent une partie prenante comme une personne, une entité ou une organisation qui n’est pas une association et/ou un organe membre de la FIFA mais qui a un intérêt ou une préoccupation dans les activités de la FIFA, qui peut affecter ou être affectée par les actions, les objectifs et les politiques de la FIFA, en particulier les clubs, les joueurs, les entraîneurs et les ligues professionnelles.

Par conséquent, la FIFA recommande vivement à toutes les associations membres d’impliquer toutes les parties prenantes du football dans leur propre structure de gestion, conformément à l’article 11 des Statuts Généraux de la FIFA.

QUI SONT LES PARTIES PRENANTES DU FOOTBALL CAMEROUNAIS ?

Selon la définition des Statuts Généraux de la FIFA, une partie prenante est une personne ou un groupe (interne ou externe) qui a un intérêt dans l’organisation ou qui est affecté par ses actions. En d’autres termes, tous ceux qui ont des intérêts dans la bonne gestion et la gouvernance de notre football local, son développement et sa croissance, en particulier en conformité avec les Statuts et Règlements de la FIFA, peuvent saisir la FIFA ou la CAF pour intervenir en cas de violations notables des principes de bonne gouvernance qui sont sacro-saints pour la FIFA.

C’est sur cette toile de fond que le 21 juillet 2023, l’Association des clubs de football amateur du Cameroun, connue sous son acronyme français ACFAC, qui est une entité juridique dûment enregistrée régie par les lois du Cameroun et reconnue par la FECAFOOT, a publié un communiqué final d’une réunion exécutive d’urgence extra ordinaire dans laquelle elle a expressément décidé de donner mandat à son président pour saisir immédiatement la FIFA. Cette décision fait suite à des allégations de matches truqués impliquant le Président de la Fecafoot et le Président d’un club, en raison d’une conversation téléphonique enregistrée des deux hommes dans laquelle ils se sont engagés à faciliter l’accès du club au championnat d’Elite 1 par tous les moyens possibles, y compris la manipulation des matches en leur faveur, en violation de l’article 30 du Code d’Ethique de la FIFA.

Il est important de noter que le 5 juillet 2023, les membres de l’ACFAC ont publié une lettre adressée à la FIFA, dans laquelle l’association réagissait aux graves allégations de conduite contraire à l’éthique formulées à l’encontre du Président de la FECAFOOT pour avoir abusé de sa fonction pour profiter de sa position à des fins privées après avoir signé un contrat d’endossement avec une société de paris en violation grave de l’article 27 du Code d’Ethique de la FIFA.

Il suffit de dire que l’intérêt de l’ACFAC pour les transgressions présumées du Président de la FECAFOOT pendant qu’il était en fonction a été suscité par les sonnettes d’alarme tirées par une autre partie prenante, M. Henry Njalla Quan Junior, ancien 4ème Vice-président de la FECAFOOT. Ancien allié de M. Etoo, l’ancien membre du Bureau Exécutif a remarqué les pratiques managériales déviantes de certains des proches collaborateurs du Président et s’est mis à dénoncer les malversations au sein de la Fédération.

Bien avant les lettres adressées à la FIFA par l’ACFAC, M. Henry Njalla Quan Junior a publié une lettre dans laquelle il appelait la FIFA, la CAF et les autorités gouvernementales compétentes au Cameroun, à dénoncer les diverses infractions commises à la Fédération qui enfreignent gravement les statuts et règlements de la FIFA en ce qui concerne la bonne gouvernance, la transparence et la responsabilité.

POURQUOI UNE REPONSE DE LA CAF PLUTOT QU’UNE REPONSE IMMEDIATE DE LA FIFA ?

L’article 31 (2) du Code d’éthique de la FIFA stipule que la Commission d’éthique est compétente pour statuer sur les questions concernant tout officiel lié par ledit Code lorsque le comportement en question ne relève pas de la compétence d’une confédération ou d’une association membre. Les violations susmentionnées sont le fait d’un officiel d’une association membre qui relève de la juridiction de la CAF. Pour cette raison, il serait inapproprié pour la FIFA de violer ses propres Statuts et Règlements en interférant directement dans une affaire qui saperait l’autorité et la juridiction de la CAF.

La FIFA ne peut s’emparer de l’affaire que si aucune enquête formelle n’a été ouverte par la confédération ou l’association membre compétente 90 jours après que l’affaire a été portée à la connaissance de la FIFA, ou si la confédération ou l’association membre concernée convient avec la FIFA de lui conférer la compétence concernant l’affaire en question.

L’article 2(3) des Statuts et Règlements Généraux stipule que toute personne ou organisation impliquée dans le football en Afrique doit respecter en tout temps et sans réserve les principes d’éthique et de fair-play édictés par la CAF, les principes d’intégrité et d’esprit sportif ainsi que les Statuts, règlements, décisions et directives de la CAF et de la FIFA. Par conséquent, le communiqué de la CAF vient confirmer le fait qu’elle est compétente pour enquêter sur les allégations contre un officiel d’une association membre, qui dans ce cas est le Président de la FECAFOOT.

En conclusion, bien qu’il puisse sembler que l’étau commence à se resserrer autour du cou du patron suprême de la FECAFOOOT, la CAF reste très prudente en indiquant que même si l’enquête est censée se concentrer sur des informations assez accablantes fournies par l’ancien vice-président de la FECAFOOT et d’autres parties prenantes du football camerounais, les droits humains fondamentaux de M. Samuel Eto’o continueront à être respectés car il continue à bénéficier de la présomption d’innocence, jusqu’à ce qu’un organe judiciaire approprié en conclue autrement. De plus, il est bien documenté que la CAF est très méticuleuse et diligente dans la poursuite d’une telle enquête qui peut prendre plusieurs mois avant d’atteindre sa conclusion finale.

La radiographie juridique de Snr Barrister Mballa Fabrice

Félix NAHM
Félix NAHM
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