AFFAIRE CASTER SEMENYA / WORLD ATHLETICS MAINTIENT LES REGLES DSD MALGRE LA DECISION DE LA COUR EUROPEENNE DES DROITS DE L’HOMME

World Athletics a publié une déclaration affirmant ses règles concernant les athlètes féminines présentant des différences de développement sexuel (DSD) après que la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) ait statué que la double championne olympique sud-africaine du 800m, Caster Semenya, avait été victime de discrimination dans sa bataille juridique contre les règlements DSD de l’instance dirigeante.

LE CAS CASTER SEMENYA

La coureuse de demi-fond, âgée de 32 ans, souffre d’une maladie connue sous le nom d’hyperandrogénisme, ce qui signifie que son corps produit naturellement des niveaux plus élevés de testostérone que les femmes ne souffrant pas de cette maladie. La réglementation DSD, qui est entrée en vigueur en 2019 et s’appliquait initialement aux épreuves féminines du 400 m au mile, exige des athlètes comme Semenya qu’elles réduisent leur taux de testostérone.

Semenya a remporté deux médailles d’or olympiques sur le 800 m féminin à Londres en 2012, puis à Rio en 2016. Mais depuis 2019, elle n’est plus autorisée à courir sur sa distance de prédilection, car elle doit prendre des médicaments hormonaux pour pouvoir participer.

LES PROCÉDURES JURIDIQUES AYANT ABOUTI A LA DECISION

Semenya a tenté à deux reprises, sans succès, de faire annuler les règlements auprès du Tribunal fédéral suisse et du Tribunal arbitral du sport de Lausanne, qui ont insisté sur le fait que les règles de World Athletics étaient nécessaires pour assurer une concurrence loyale. En février 2021, elle a déposé un recours auprès de la plus haute cour européenne des droits de l’homme, demandant à la Cour de Strasbourg de constater que « la Suisse a manqué à ses obligations positives de la protéger contre la violation de ses droits ».

La CEDH a statué mardi, par une majorité de quatre voix contre trois, que les droits de Semenya avaient été violés par la Suisse.

L’ARRÊT DE LA CEDH

L’arrêt de la CEDH a conclu que les règlements de la World Athletics en matière de DSD étaient « une source de discrimination » pour Semenya « par la manière dont ils ont été exercés et par leurs effets », et que les règlements étaient « incompatibles avec la Convention européenne des droits de l’homme ».

La CEDH a conclu à la violation de l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme concernant « l’interdiction de la discrimination », combiné à l’article 8 « droit au respect de la vie privée » et à l’article 13 « droit à un recours effectif ». Elle a déclaré que l’arrêt du TAS « n’avait pas appliqué les dispositions de la Convention et avait laissé ouvertes de sérieuses questions quant à la validité des règlements de la DSD ».

Un communiqué de la CEDH indique ce qui suit : « La Cour a constaté en particulier que la requérante n’avait pas bénéficié en Suisse de garanties institutionnelles et procédurales suffisantes pour lui permettre d’obtenir un examen effectif de ses griefs,

Il s’ensuit, notamment au regard des enjeux personnels importants pour la requérante – à savoir la participation à des compétitions d’athlétisme au niveau international, et donc l’exercice de sa profession – que la Suisse a outrepassé l’étroite marge d’appréciation dont elle dispose en l’espèce, s’agissant d’une discrimination fondée sur le sexe et les caractéristiques sexuelles nécessitant des « raisons très sérieuses » à titre de justification.

« Les enjeux importants de l’affaire pour le requérant et l’étroite marge d’appréciation accordée à l’État défendeur auraient dû conduire à un réexamen institutionnel et procédural approfondi, mais le requérant n’a pas été en mesure d’obtenir un tel réexamen.

« La Cour a également estimé que les voies de recours internes dont disposait le requérant ne pouvaient être considérées comme effectives dans les circonstances de la présente affaire ».

La décision de la CEDH pourrait permettre à Semenya de contester les décisions de la Cour suprême suisse ou du TAS.

LA REACTION DE WORLD ATHLETICS

World Athletics a pris acte de la décision finale de la CEDH mais a souligné que ses règles sont légales et nécessaires pour garantir des conditions de compétition justes et égales pour les athlètes féminines et a déclaré qu’elle demandera au gouvernement suisse de renvoyer l’affaire devant la Grande Chambre de la CEDH pour une « décision finale et définitive » :

«World Athletics prend acte de l’arrêt de la Chambre profondément divisée de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).

« Nous restons d’avis que les règlements DSD sont un moyen nécessaire, raisonnable et proportionné de protéger la concurrence loyale dans la catégorie féminine, comme le Tribunal arbitral du sport et le Tribunal fédéral suisse l’ont tous deux constaté, après une évaluation détaillée et experte des éléments de preuve.

« La plainte a été déposée contre l’État suisse et non contre World Athletics.

« Nous nous concerterons avec le gouvernement suisse sur les prochaines étapes et, compte tenu des fortes divergences de vues sur la décision, nous l’encouragerons à demander le renvoi de l’affaire devant la Grande Chambre de la CEDH pour qu’elle rende une décision finale et définitive.

« Dans l’intervalle, les règlements DSD actuels, approuvés par le Conseil mondial de l’athlétisme en mars 2023, resteront en place ».

LA SITUATION DES AUTRES ATHLÈTES PRÉSENTANT LE DSD

Deux autres athlètes féminines très médiatisées présentant la même pathologie sont les Namibiennes Christine Mboma et Beatrice Masilingi, qui n’ont pas pu participer à l’épreuve féminine de 400 m qu’elles préféraient à Tokyo 2020 en raison des règles relatives au DSD. Elles ont toutes deux participé au 200 m, Mboma remportant une médaille d’argent et Masilingi se classant sixième.

D’autres modifications ont été introduites en mars, comme la réduction de la quantité de testostérone autorisée dans le sang pour les athlètes atteints de DSD, et l’extension des dispositions à toutes les épreuves d’athlétisme. Les deux athlètes ont été exclus des championnats du monde de cette année, qui doivent s’ouvrir à Budapest le 19 août.

Une décision provisoire autorisait les athlètes participant à des épreuves sans restriction à concourir s’ils supprimaient leur taux de testostérone en dessous de 2,5 nanomoles par litre pendant une période minimale de six mois, mais cela ne laissait pas suffisamment de temps à Mboma ou Masilingi pour participer aux championnats du monde dans la capitale hongroise.

DES RISQUES POUR LA SANTÉ ?

 Caster a fait valoir que la prise de médicaments réduisant le taux de testostérone pouvait mettre sa santé en danger et que la réglementation relative au DSD la privait, ainsi que d’autres athlètes atteints de DSD, du droit de compter sur leurs capacités naturelles. En effet, elle n’a pas pu défendre son titre sur 800 m aux Jeux olympiques de Tokyo, qui ont eu lieu un an plus tard que prévu, en 2021.

Semenya, qui s’identifie légalement comme une femme depuis sa naissance, a déclaré qu’elle devrait pouvoir participer aux épreuves féminines même si son taux de testostérone est plus élevé que celui de ses concurrentes. La triple championne du monde du 800 m avait tenté de relancer sa carrière en courant sur des distances plus longues. Elle a manqué la marque de qualification pour le 5 000 m féminin à Tokyo 2020, puis aux Championnats du monde d’athlétisme en Oregon l’année dernière, elle n’a pas réussi à franchir la ligne d’arrivée dans le 5 000 m.

Félix NAHM
Félix NAHM
Articles: 1722

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *